...Le clash entre le GPRA et l'état-major était inévitable au vu des divergences de vues et de visions sur les questions inhérentes à la conduite de la guerre. Le conflit allait en s'aggravant, avant d'éclater en juin 1961, lorsque l'artillerie de l'ANP a abattu un avion de reconnaissance français au-dessus du centre d'instruction de Mellag. Son pilote, Frédéric Gaillard, fut capturé par l'état-major, après avoir sauté en parachute sur le territoire tunisien, et accusé d'espionnage. Sous la pression du gouvernement tunisien, le GPRA a demandé de livrer le prisonnier aux autorités tunisiennes, mais Boumediene et ses collègues de l'état-major, s'y sont refusés, prétextant que le pilote était mort. Les Tunisiens mirent la pression pour récupérer le prisonnier «mort ou vif», en menaçant d'intervenir contre l'ALN et de lui couper tout approvisionnement. Au début, Boumediene avait hésité un moment, sous la pression d'Ali Mendjeli et Kaïd Ahmed qui s'y opposaient fermement, avant de céder à la fin et de livrer le pilote.
C'était une épreuve difficile pour Boumediene. Il avait certes perdu une bataille, mais il avait gagné un pari. Pour la première fois, donc, le conflit sortait au grand jour. L'état-major entama une vaste campagne, accusant le GPRA de vouloir humilier l'armée, et convoqua une réunion avec les chefs des zones nord et sud, et les responsables de bataillons, de compagnies d'armement lourd et de camps d'instruction à Oued Mellag. A l'ordre du jour, l'évolution du conflit entre l'état-major et le gouvernement provisoire. Boumediene n'a pas beaucoup parlé; il s'est contenté de nous annoncer la démission des membres de l'état-major. Ali Mendjeli était, quant à lui, furieux. Tenant les membres du gouvernement pour responsables de toutes les tares et de tous les malheurs, il accusera notamment Krim Belkacem de vouloir affaiblir l'armée.
Le 15 juillet, le commandement de l'état-major présenta sa démission au gouvernement provisoire, et fit circuler une pétition auprès des chefs d'unités combattantes.
Cette pétition, au ton très virulent, dénonçait la politique du GPRA et ses concessions au président Habib Bourguiba que le commandement de l'état-major soupçonnait de visées expansionnistes.
Les rédacteurs du texte s'élevaient également contre la politique de dilapidation et de népotisme que pratiquait Krim Belkacem.
A la veille de la tenue de la session du CNRA à Tripoli, nous avions signé, nous les officiers, une autre pétition dénonçant les agissements du GPRA, et s'opposant à la désignation du commandant Moussa à la tête de l'état-major. J'ai été chargé de recueillir les signatures des officiers de la zone opérationnelle nord, parmi lesquelles figurait la mienne, en tête de liste. Il y avait en tout 21 signatures...
...Un mois plus tard, les officiers de l'ouest vont signer, sous l'impulsion de Kaïd Ahmed, une pétition similaire saluant le retrait des membres de l'état-major des travaux du CNRA.